L'intelligence artificielle (IA) se positionne comme un levier puissant pour remodeler les pratiques des cabinets d'avocats. Comme le souligne Christelle Petrucci, Directrice Générale pour Septeo Solutions Avocats :
« Bien plus qu'une avancée technologique, l'intelligence artificielle offre une opportunité unique de repenser les pratiques, tout en respectant les valeurs fondamentales de la profession. »
À l’occasion de notre livre blanc « L’IA au cœur des cabinets d’avocats : de l’innovation à la mise en œuvre », nous avons recueilli les témoignages d'avocats. Ils ont partagé avec nous :
Découvrez leurs points de vue sur cette technologie qui nous invite à repenser en profondeur les pratiques du secteur.
L'intelligence artificielle est un virage incontournable pour la profession juridique. François Girault, Avocat associé et président de la commission prospective et innovation du CNB, est catégorique :
« L’IA ne remplacera pas les cabinets d’avocats. Les cabinets qui intégreront des outils d’IA ont un bel avenir devant eux mais la question de la survie des cabinets qui refuseraient d’intégrer les outils d’IA se pose. »
Il compare les réfractaires aux cabinets qui n'utiliseraient pas l'informatique aujourd'hui :
« Mais soyons réalistes : les cabinets d’avocats qui n’auront pas intégré les outils d’IA à l’avenir seront comme les cabinets qui n’utilisent pas l’informatique aujourd’hui : ils auront disparu. »
Cette avancée technologique implique une réorganisation interne profonde, avec des gains de productivité significatifs :
(Sources : ¹Septeo Solutions Avocats,²Septeo Solutions Avocats, ³Étude Opinion Way)
Le message est clair. L’IA est un outil d'assistance et non un remplaçant des avocats. Elle complète l’expertise humaine, sans s’y substituer. Abel Sabeur, avocat chez Legal First Avocats le souligne dans notre livre blanc :
« L’IA [...] agit comme un puissant levier de performance, mais elle ne saurait trancher une question d’équité ou deviner la sensibilité politique ou émotionnelle d’une affaire. »
L’Intelligence Artificielle peut traiter de grands volumes de données, identifier des tendances et automatiser des tâches répétitives, mais elle ne possède ni la capacité de jugement éthique, ni la compréhension du contexte ou l’empathie propres à l’humain.
« Aucun algorithme [...] ne peut se substituer à la sensibilité morale, à l’intuition et à la créativité juridique. »
L’avocat se voit ainsi revoir son rôle.
« L’avocat se redéfinit donc aussi comme un « curator » de l’information, un guide capable d’éclairer des choix, de hiérarchiser des enjeux, et d’orienter le client vers la solution la plus adaptée à sa situation. »
En somme, « L’IA, en d’autres termes, n’est pas l’ennemi de l’avocat, mais son partenaire. »
L’expertise juridique, la déontologie, la sensibilité éthique, la connaissance fine du contexte humain demeurent des attributs irremplaçables. En fin de compte, « L’avocat demeure l’ultime arbitre de la solution juridique. »
L’un des bénéfices les plus directs de l’IA réside dans sa capacité à automatiser les tâches répétitives ou mécaniques. Recherche jurisprudentielle, vérification des sources, création de dossier, synthèse de documents, des processus de due diligence, analyse de contrats… l’IA prend en charge toutes ces fonctions chronophages.
Comme l’explique Dan Kohn, Directeur de la prospective et de l’intelligence marché Septeo :
« L’IA, dans la collecte, le traitement et l’analyse de données, va pouvoir fournir des informations exploitables pour des prises de décisions avisées et éclairées. »
Cette automatisation libère un temps précieux pour les avocats, afin qu'ils se recentrent sur le cœur de leur métier : la réflexion stratégique, l'analyse des risques, la négociation, la plaidoirie, et surtout, la défense des intérêts clients. L'IA permet ainsi à l'avocat de se concentrer sur la dimension conseil de sa profession, là où l’expertise humaine est fondamentale.
L’IA augmente les capacités de l’avocat, le poussant à acquérir de nouvelles compétences et à adopter un rôle défini. Maître Sabeur, avocat chez Legal First Avocats l’explique.
« L'avocat ne peut plus s’envisager uniquement comme le détenteur d’un savoir spécialisé [...] mais doit embrasser une fonction de ‘pilote’. »
Ce nouveau rôle exige un élargissement des compétences comprenant la maîtrise de la sécurité numérique (cybersécurité), la gestion des données (extraction, structuration, interprétation, pseudonymisation), et une compréhension approfondie des algorithmes (identification des biais, évaluation de la pertinence, contrôle). La formation continue et l'acculturation technologique deviennent indispensables pour naviguer dans ce nouvel environnement.
Grâce à l'IA, l'avocat devient un « stratège augmenté », capable de conjuguer son expertise juridique avec la puissance analytique de l'IA. Maître Sabeur le confirme :
« L’avocat peut désormais personnaliser ses conseils avec une précision inédite, anticiper les scénarios contentieux grâce aux analyses prédictives et négocier des contrats internationaux avec une compréhension enrichie des risques. »
L’IA ne profite pas qu’aux opérations internes. Elle est un vrai atout pour la relation client et la collaboration. Elle offre ainsi une réponse adaptée aux attentes des clients, qui exigent une réactivité et une précision élevées. L’analyse de données, simplifiée par l’IA, permet une meilleure performance du cabinet et un suivi optimisé des dossiers clients, menant à des décisions plus éclairées.
De plus, l’exploitation intelligente de la data ouvre la voie à la proposition de nouvelles offres de services, hautement personnalisées et à forte valeur ajoutée. L’IA permet également une meilleure collaboration entre directions juridiques et cabinets d'avocats, avec des outils collaboratifs. Comme l’indique Sabine Le Gac, Directrice Juridique Groupe EDF :
« L’IA peut faciliter, voire provoquer la mise en place d’outils collaboratifs qui décloisonnent pour renforcer transparence et performance. »
L’IA est un catalyseur d’optimisation et de nouvelles stratégies économiques. Comme le révèlent les retours recueillis lors du Village de la Legaltech 2024 à Montpellier :
« L’IA va nous permettre d’aller encore plus vite, de répondre encore mieux aux clients et donc de privilégier [...] le conseil. »
Cette capacité à fournir un conseil de qualité, plus rapide et ciblé, est un avantage compétitif de taille.
Au niveau économique, l’IA accélère la mue des modèles de facturation. Mamadou Waggeh, CEO de Leaid AI, observe :
« Sur le plan économique, la facturation au temps passé, toujours prédominante, cède progressivement du terrain face à des approches plus flexibles et innovantes. »
Concernant les changements en termes de facturation, Maître David Levy affirme également :
« En outre, les clients seront très certainement attentifs aux conséquences du recours à des outils d’IA sur la facturation de leur avocat et les honoraires qui pourront leur être demandés. »
Nous nous dirigeons ainsi vers une prédominance de la rémunération forfaitaire, ou au résultat/succès.
Du côté organisationnel, l’IA entraîne une reconfiguration des équipes avec l'émergence de pôles IT/IA et de nouveaux rôles comme Chief AI Officer ou Knowledge Manager.
Paradoxalement, les petits cabinets ont potentiellement le plus à gagner de l'IA. En automatisant les tâches, ils peuvent rivaliser en efficacité avec de plus grandes structures, démocratisant l’accès à des outils auparavant réservés.
L’adoption de l’IA dans le droit est indissociable d’un respect strict des principes déontologiques :
La cybersécurité « n’est plus un choix, mais une obligation. »
La protection rigoureuse des données sensibles, en conformité avec le RGPD, est non négociable.
L’un des enjeux majeurs est la nécessité d’une IA « éthique by design » transparente et traçable, idéalement européenne. François Girault, avocat associé et président de la commission prospective et innovation du CNB, insiste sur ce devoir :
« Il est de la responsabilité des avocats d’utiliser des outils d’IA souverains. »
Surtout, le contrôle humain reste indispensable. L'avocat agit comme garant face aux algorithmes, capable de filtrer leurs résultats, d'interpréter leurs suggestions, et d’éviter les biais pour préserver la justice et l'équité. L’IA a beau être un assistant puissant, la responsabilité incombe toujours à l’humain.
L’apparition de l’IA n'est pas une menace mais un outil indispensable pour maintenir sa compétitivité. Comme l’affirme Abel Sabeur, avocat Legal First Avocats :
« L’avènement de l’IA impose une redéfinition profonde des compétences nécessaires à l’exercice de la profession d’avocat. »
Il ajoute que, de fait, « La formation continue devient une priorité absolue ».
La profession se trouve à un moment clé de son histoire. L’IA offre une opportunité unique de refonte en profondeur des pratiques juridiques. Cette transformation exigera la création de nouveaux modèles de collaboration et une mise à jour continue des compétences de tous les acteurs du secteur.
L'intelligence artificielle n’est aujourd’hui plus une option, mais une nécessité stratégique pour les cabinets d'avocats. Loin de menacer la profession, elle se positionne comme un partenaire optimisant les tâches répétitives et permettant aux avocats de se concentrer pleinement sur leur cœur de métier : le conseil juridique personnalisé et stratégique.
En maîtrisant les enjeux éthiques et déontologiques liés à l'IA, en protégeant rigoureusement les données et en adoptant une démarche de formation continue, les avocats sont en mesure d’assurer un avenir où leur expertise humaine sera durable, et augmentée par la puissance de la technologie.