Aujourd'hui, c'est Emmeline Bocherel, avocate au barreau de Nantes et fondatrice du cabinet Tax Suits You, qui prend la plume pour vous parler de la facturation électronique, qui deviendra obligatoire pour tous dès 2027 : qu'est-ce que la facturation électronique, qu'implique-t-elle pour la profession d'avocats et comment Emmeline Bocherel a transformé cette nouvelle obligation en opportunité de développement pour sa structure.
La facturation électronique, composée des modules de e-facturation et de e-reporting, a fait couler beaucoup d’encre ces derniers temps. Son entrée en vigueur, qui avait déjà été repoussée en juillet 2024, a été reprécisée : en 2027, tout le monde devra s'y conformer !
Pourquoi s’y intéresser dès maintenant, me direz-vous ?
D’abord, parce que cette réforme pose des questions qu’il peut être intéressant d’anticiper bien en amont de sa mise en pratique.
Ensuite parce que cette réforme peut devenir une véritable opportunité pour nos cabinets, voir une urgence face aux difficultés de recrutement de nos personnels administratifs et l’évolution grandissante des pratiques dans le secteur.
Je vous propose aujourd’hui de faire un petit état des lieux de ce qu’implique (et impliquera) cette réforme dans nos quotidiens d’avocats, l’aubaine que l’on peut en tirer (et dont nous en avons déjà tiré les fruits au cabinet), mais également les vrais questionnements qui se posent quant à sa mise en place.
Non, la facturation électronique n’a pas pour seul objectif de digitaliser la facturation de nos cabinets d'avocats, non plus de la rendre inviolable.
L’objectif de cette réforme européenne est en réalité purement fiscal : gagner un temps précieux en récupérant automatiquement l’intégralité des factures émises pour limiter voir empêcher la fraude à la TVA. En contraignant les entreprises à transmettre leurs factures sur une plateforme dématérialisée, et en soumettant les plateformes d’édition de factures à ces règles, les différentes administrations fiscales européennes pourront ainsi plus aisément contrôler la TVA collectée et payée sur leurs territoires et entre les territoires.
Bien sûr, d’autres atouts sont évoqués par l’administration fiscale : améliorer la trésorerie des entreprises, faciliter la gestion de nos déclarations de TVA, etc. Mais l’objectif premier reste d’améliorer le contrôle et le suivi des déclarations et le reversement de TVA en interne.
Le non-respect de ces obligations peut entraîner :
Certes, au premier abord, passer de la facturation papier (Word ou Excel) à une facturation exigeant la transmission des données de facturation vers des serveurs dématérialisés peut effrayer, surtout lorsqu’on n’est pas équipé.
Mais la facturation électronique peut toutefois avoir de réels intérêts pour la gestion de nos cabinets, et en voici quelques exemples :
La dématérialisation de votre facturation va, d’une part, contraindre à quitter un fonctionnement à l’ancienne (facturation sous Word et Excel, même "automatisée" grâce à certains outils), mais va également permettre d’être enfin conforme quant à vos obligations en matière de comptabilité informatisée et inviolable. Toutes les factures seront conservées sur un espace sécurisé. Et vous limiterez les erreurs de facturation.
En quelques clics, vous pourrez émettre une facture et enregistrer dans vos livres vos factures entrantes et sortantes. Les logiciels conformes proposent en général d’intégrer des missions prédéfinies. Vous pourrez ainsi gagner du temps pour vos forfaits, vos missions classiques, etc. Petit bonus pour le futur : les coordonnées de vos clients seront préremplies (et automatiquement mises à jour), tout comme vos déclarations de TVA !
Autre gain de temps ? Vous vous souvenez le temps interminable que vous passiez à récupérer vos factures reçues et les transmettre mensuellement à votre comptable ? La facturation électronique imposant également la récupération et la transmission de factures numériques de vos fournisseurs, vous pourrez donc gagner un temps précieux en permettant à votre comptable de les récupérer automatiquement grâce à la transmission automatique de ces informations.
Notre cabinet en a tiré un réel avantage en matière de trésorerie : grâce à la dématérialisation de nos factures et aux outils mis à notre disposition par notre logiciel comptable, nous facturons plus vite, mieux, pouvons plus vite contrôler nos délais de paiement, et avons mis en place des relances automatiques si les paiements ne sont pas arrivés sur nos comptes. Nous avons pu diminuer drastiquement nos délais de paiement et procédures de recouvrement. Je passe également moins de temps à devoir traiter ma comptabilité, et peut ainsi me concentrer sur le cœur de mon métier. Et demain ? Je sais que j’aurai la possibilité en quelques clics de justifier de mon crédit de TVA sur une période écoulée, sans avoir besoin d’imprimer tous mes justificatifs.
Mon logiciel comptable me permet déjà de récupérer un grand nombre de pièces comptables de manière automatisée (factures fournisseurs, etc.) et de suivre ma trésorerie en temps réel. Avec l’outil de demain, je sais que mon comptable pourra directement récupérer toutes mes factures entrantes et sortantes très facilement ! Il pourra mieux travailler, et moi me concentrer à d’autres tâches qu’à lui transmettre mes justificatifs. N’hésitez pas à en profiter pour solliciter une diminution de sa facture.
La fraude à la facture et au RIB est une véritable plaie pour certains de nos homologues (notamment les notaires, pour lesquels la fraude se chiffre à plusieurs millions). La CARPA mais également de plus en plus de cabinets commencent à y être confrontés. La facturation électronique nous permettra de certifier nos factures et d’éviter à nos clients de recevoir et payer une facture qui n’a pas été émise par nos cabinets, et de notre côté, à éviter de payer des factures au mauvais fournisseur (via la signature électronique et l’apposition d’un cachet électronique certifié). Vos factures seront également moins contestables, un acompte signé électroniquement et certifié à une toute autre valeur qu’un document Word perdu dans les limbes de vos dossiers.
Vos factures seront automatiquement mises à disposition de vos clients entreprises – vous diminuerez ainsi vos impressions, le coût énergétique de l’envoi de vos factures par la Poste, etc. Un premier pas non négligeable vers un cabinet plus neutre écologiquement parlant ! Et votre client de son côté pourra très facilement retrouver ses factures sans avoir besoin de contacter votre secrétariat. Un luxe !
On ne va pas se le cacher, j’ai été initialement surprise de découvrir que nos instances ne s'étaient pas saisies immédiatement d’une difficulté réelle : la transmission automatique de nos factures et des données de nos clients d’une part, et du détail de nos diligences d’autre part, ne contrevient-elle pas à certaines règles légales ?
Si l’aspect RGPD peut aisément être justifié par un intérêt légitime (l’obligation de transmettre les données de facturation à l’administration fiscale), une vraie question peut se poser quant au secret professionnel.
Des négociations ont été ouvertes en 2024 par le CNB avec les autorités administratives et fiscales pour obtenir un allégement des obligations de transmission des avocats, à la suite de son Assemblée Générale du 24 septembre 2024.
Plusieurs propositions avaient été faites, et notamment :
Pour les cabinets ne travaillant que pour les entreprises, une solution pourrait être trouvée, en transmettant une copie PDF anonymisée de nos factures, même s’il est aisé d’anticiper des blocages au moment de l'entrée de ces données dans le logiciel.
Mais qu’en est-il pour les autres ?
La question s’est posée chez nous, puisque nous ne travaillons pas qu’avec des entreprises assujetties établies en France. Comment s’assurer de se conformer à nos principes déontologiques lorsque la législation européenne nous demande de divulguer des informations précises des interventions réalisées ?
En effet, vous le savez peut-être, mais lorsqu’un cabinet d’avocats fait l’objet d’un contrôle, le secret professionnel impose que certaines informations soient protégées : identification de notre client, description des diligences accomplies, etc. En général, ces informations sont simplement noircies.
Mais comment « noircir » des données automatiquement transmises par nos logiciels ?
Peut-on légitimement refuser de se conformer à ces nouvelles obligations en maintenant notre fonctionnement classique ? Peut-on interdire à nos prestataires de le faire, alors que leur propre responsabilité peut être mise en jeu ?
En attendant que le CNB ne puisse avancer dans ses discussions, voici quelques pistes à explorer selon votre sensibilité et vos usages avec vos clients : transmettre le détail des diligences dans un document à part de nos factures, obtenir l’accord de nos clients sur la levée du secret professionnel quant au respect de nos futures obligations, etc..
Si vous souhaitez vous informer plus précisément sur les obligations applicables en matière de facturation électronique, je vous invite à aller consulter :
{{auteurs}}